Le quotidien d’une jeune fille trisomique n’est pas facile. Le regard de l’autre tue, et malgré son handicap, elle en a bien conscience. Ce regard est omniprésent : en ballade, au supermarché, dans la rue. A chaque seconde, elle est épiée, dévisagée sous toutes les coutures. Souvent avec une curiosité malsaine. Son quotidien, c’est ça. En plus du rejet et du « non, toi, tu peux pas faire ça, t’es malade, t’es pas normale ». Comme toujours, la méconnaissance entraîne la peur et le rejet. Si vous la connaissiez cette jeune fille, vous sauriez qu’elle est comme vous : elle aime se faire belle, mettre de jolies robes roses, se maquiller, danser, chanter, lire, regarder « Plus belle la vie », s’occuper des autres, des bébés, faire des câlins et des bisous ! Alors, depuis quelques années, quelques initiatives sont prises ci-et-là pour la mettre dans la lumière, et espérons-le, changer le regard de l’autre sur elle. Karrie, Mathilde, Éléonore,… elles sont trisomiques, et fières de l’être !
Karrie, coquette et rêveuse
Karrie Brown a 17 ans et, comme beaucoup de jeunes filles de son âge, elle aime s’habiller, se faire prendre en photo et jouer les mannequins. Karrie est trisomique, décrit son style comme « motarde » et dit de Wet Seal qu’elle est sa marque préférée. Karrie veut être mannequin, et en août dernier, elle a réalisé son rêve !
Lisant sur leur site que Wet Seal « croit en la diversité, l’inclusion et le respect de chacun », sa maman, Sue Brown, écrit à la marque pour leur suggérer de prendre Karrie comme mannequin. Au passage, elle leur fait remarquer que leur gamme est parfaitement adaptée aux jeunes filles trisomiques qui veulent être coquettes. Wet Seal prend mère et fille au mot, et leur lance un défi : si la page Facebook de Karrie (www.facebook.com/karriebrownmodel) recueille rapidement 10 000 « j’aime », elles pourraient avoir toutes les deux une surprise. Ce n’est pas 10 000 mais 20 000 « j’aime » que Karrie récolte en quelques jours. Wet Seal lui propose alors de réaliser son rêve et de devenir mannequin ! Escortées en Californie pour une séance shopping et une séance photo pro, mère et fille se sont beaucoup amusées. La seule exigence de l’apprentie mannequin ? Un peu de Justin Bieber pour la détendre… Sue Brown est heureuse pour sa fille : « Il est bon de voir qu’une marque grand public agisse réellement en faveur de la diversité. Beaucoup en parlent, mais ne pratiquent pas ce qu’elles prêchent ». Elle travaille aujourd’hui à construire une fondation à but non lucratif « Karried Away » pour aider les jeunes personnes handicapées à trouver un emploi intéressant : « Je veux juste que les gens comprennent que ma fille est capable de réaliser de belles choses dans la vie », précisant le fait que de nombreuses personnes atteintes de trisomie ont de la difficulté à trouver du travail en dehors du secteur des services. Elle ajoute : « J’ai toujours encouragé mes deux enfants à faire ce qu’ils veulent faire. Et s’ils ont besoin d’aide, s’ils ne peuvent pas réussir, alors j’essaie de voir ce que je peux faire pour les aider. » Aujourd’hui, Karrie souhaite aller à l’université et veut étudier l’histoire pour devenir bibliothécaire.
Éléonore, la combattante !
Éléonore, c’est la battante, la courageuse. A 27 ans, cette jeune trisomique est fière de son indépendance. Aidée de ses parents, elle est à l’origine du collectif « Les Amis d’Éléonore » [www.lesamisdeleonore.com] Éléonore se bat au nom des trisomiques. Elle se bat pour l’autonomie et la défense des personnes atteintes de trisomie 21. Volontaire, souriante, Éléonore est devenue le visage de la trisomie en France. Un bien joli visage d’ailleurs ! Aujourd’hui habituée des médias, elle raconte son parcours avec beaucoup d’humour et de lucidité, sans pathos. [Elle a quelques reportages télévisés à son actif : notamment celui que lui a consacré l’émission « Sept à huit » sur TF1]. A sa naissance, elle n’est pas considérée comme un être humain, mais comme une « anomalie chromosomique ». Sa maman raconte : « Une fois le choc de l’annonce de son handicap et des problèmes de santé associés passé, Éléonore a fait se révéler en ses parents une force et une capacité de tolérance que nous méconnaissions totalement. Sa présence est rapidement devenue source de richesse et de bonheur. (…) Très tôt, Éléonore donnait du sens à notre vie et nous investissait d’une mission : celle de se battre pour elle, de lui rendre la vie la plus facile possible, lui donner toutes les chances de réussite et d’épanouissement. Bien sûr, c’est ce que tout parent veut pour son enfant, mais quand il s’agit d’un enfant qui part dans la vie avec un handicap, cela nécessite un investissement personnel supplémentaire, une patience hors du commun, et beaucoup de conviction. (…) Son frère s’enorgueillissait de la différence de sa petite sœur (elle était tellement drôle et attachante…) En un mot, nous mettions tout en œuvre pour que ses compétences se développent, et tout ce que nous lui donnions, Éléonore nous le rendait au centuple. Aujourd’hui, nous savons combien Éléonore nous a enrichis de sa différence, combien elle apporte, de par son rayonnement, à sa famille et à ceux qui la connaissent et combien elle est heureuse de vivre. (…) Aujourd’hui, nous mesurons l’étendue de notre ignorance d’il y a 24 ans et pouvons affirmer que ce fichu chromosome surnuméraire donne à Éléonore des richesses que nous pouvons lui envier. (…) Quelle bonne fortune que notre Éléonore ! » Aujourd’hui, Éléonore vit dans une résidence intergénérationnelle, où se côtoient, adultes trisomiques, personnes âgées et famille. Une première en France. Éléonore est fière d’avoir gagné son indépendance en habitant cette résidence : « Je travaille aussi au service administratif d’une clinique. Je me suis battue pour avoir ce job ». Elle aime la lecture, la musique, la guitare électrique, Christophe Maé. Elle raconte : « Pour moi, c’est mon monde que j’aime : lecture et surtout ma musique pour avoir de la gaîté et du bonheur. Des fois mon histoire n’a pas été facile, pas drôle. Parfois mon handicap me tracasse et je me sens mal dans ma tête. Je n’aime pas mon handicap. Pour moi, c’est parfois dur à porter. Certains collègues me regardent de coin, ça me blesse, je n’aime pas ça. Parfois je ne me sens pas belle, je ne m’aime pas. Mais la plupart du temps, je me sens un peu comme les autres. Je sais qu’on m’aime bien et qu’on m’aide pour m’en sortir. Je suis comme je suis. Vivre avec mon handicap, ça ne me gêne pas. Parfois, je me sens forte avec mon handicap. Je fais des choses que certaines personnes ne savent pas faire. Je me sens fière avec ça. En ce moment je suis heureuse. C’est ma nature. » Avec 48% des suffrages, Éléonore qui a su changer les regards sur la trisomie a été élue « Géante 2012 » par le quotidien la Voix du Nord.
Mathilde, mi-clown mi-poète
« Je viens de la lune, je viens d’un endroit où l’on est différent. Je viens des étoiles qui brillent là-haut (..) pourquoi me sortir de ma bulle ? (…) ces regards me tuent et m’effraient, ils m’usent par leur méchanceté. Je dois me protéger. (…) Pourquoi cette dissemblance ? Je suis née avec cette apparence. Mon corps diffère, mon cœur est le même. Comme vous je crains les chatouilles, je ris. Moi aussi j’ai besoin qu’on m’aime. Vous ne savez pas qui je suis. (…) » Mathilde, jeune femme atteinte de Trisomie 21, est une poète. Elle aime les mots. Avec Marion, sa sœur de cœur, comédienne, elles ont tourné le court métrage : « Je viens de loin » issu d’un des poèmes de Mathilde, primé à un concours de poésie. [www.dailymotion.com/video/xnfl3l_je-viens-de-loin_shortfilms] Mathilde y raconte ses colères, ses peurs, le regard de l’autre. Avec ce court-métrage, Mathilde et Marion, donnent au public une autre image de la trisomie. Mathilde est une jeune femme dynamique qui a décroché son CAP cuisine en 2007, puis qui a travaillé en tant que documentaliste au sein du Lycée Jean Moulin de Béziers (son contrat n’a pu être renouvelé cette année). Elle joue à la comédie et écrit. Ses poèmes sont toujours autant d’appels à la tolérance.
« Je suis une fille douce. Et gentille. Les gens peuplant mon monde zoologique m’aiment. Et je leur rends bien, je leur montre mon cœur. Ils ne soupçonnent pas mes états d’âmes, mes aigreurs, mes terreurs et mes colères. Ils ignorent mes tristesses, de celles qui m’amènent au bord de l’abîme, ce sentiment d’injustice qui me glace les sangs. Cette ire qui me traverse lorsqu’ils s’adressent à moi en être inférieur, en débile, en idiote, avec la meilleure intention du monde.
Je leur souris. Je leur parle. Je leur montre mon affabilité. Je leur donne ce qu’ils attendent. Je participe à toutes les activités avec une bonne volonté épatante. Une trisomique de compétition.
Mais je voudrais m’enfuir, débarrasser le plancher de cette institution paralysante. Mes parents disent que j’évolue, ils ont raison, j’évolue vers une inanité absolue, vers une imbécillité criante, une vacuité désespérante. Je m’abétifie. Je deviens le rôle dont le directeur de casting m’a revêtue. Et je hurle dans ma cage corporelle, je me débats, je me fracasse contre mon handicap avec toujours les mêmes entêtements.
J’ai parfois l’envie de m’oublier, de me replier au fonds de moi-même, d’observer le sang battre le pavé dans mes artères, me consacrer au travail de mon estomac, à l’incroyable labeur de ce cœur qui maintient ma carcasse en vie, me perdre dans les méandres de mes intestins, rester vissée au fond de mon enveloppe, une prison pas si terrifiante si l’on y réfléchit, une prison non moins dorée que celle d’un centre pour handicapés.
J’ai parfois envie d’accepter ce que je suis. Mathilde, quinze ans, trisomique 21, comme ils disent. »
Trisomique, et alors ?
Chaque année, de belles initiatives sont prises. Valentina, petite fille de quelques mois, est devenue, l’an dernier, l’égérie d’une ligne de maillots de bain pour bébés. De même, avec de nombreux partenaires, la fondation Jérôme Lejeune a lancé une grande campagne d’affichage « Trisomique, et alors ? ». Une campagne de sensibilisation positive qui vise à interpeller le grand public sur le regard qu’il a sur les trisomiques. L’un des messages que nous aimons, nous, le Blog pour Filles : « Mes parents ne savaient pas. Aujourd’hui, ils m’appellent princesse ! » Sarah, 3 ans. En juin dernier, Marseille Rêve, avec Erick Benzi, a réalisé un très joli clip « Et toi ? » que vous pourrez voir ici : www.youtube.com/watch?v=ozLSSB31bKs.
Les jeunes filles d’aujourd’hui sont indépendantes et défendent leurs droits. Qu’elles soient trisomiques, ou non, ni change rien. Nous finirons par quelques mots d’une chanson de Céline Dion, écrite par Nathalie Nechtschein, une grenobloise trisomique qui affirme elle aussi : « Je suis née trisomique 21. Moi, je dis que c’est une étiquette que les non-handicapés m’ont donnée. Parfois, je trouve les soi-disant normaux bien plus handicapés que moi ». Nathalie est l’auteure de « Si j’étais quelqu’un« . C’est Erick Benzi, l’associé de Jean-Jacques Goldman, qui a repéré ses talents de poétesse lors du visionnage d’un documentaire « Voyage en Mongolie intérieure » de Bernard Martino diffusé sur Arte. Séduits, Jean-Jacques Goldman et lui se sont rendus sur son blog et sont tombés sur son poème intitulé « Si j’étais quelqu’un comme les autres » qui parle de la solitude, de la différence, du rêve.
» Si j’étais quelqu’un Noir ou Blanc Comme les autres Je serais comme toi.Je redécouvrirais le monde Je le peindrais à ma façon Sur mes pages en désordre Comme pour dessiner un ballon Que je t’envoie à la figure. Que je t’envoie à la figure. Oh Si j’étais quelqu’un »
Julie DERACHE
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scoubi dit
Ton article est trés touchant Julie de plus ce sujet j’espère qu’il servira pour que le regard des autres change a leur égard.
Eledwhen dit
Beaucoup d émotion pour ton article Julie..
Marie G dit
Très bel article , de l’espoir , de la détermination , du courage et de la fragilité , une vrai leçon de vie
Marie G dit
Mathilde vient de recevoir encore un ce prix : devant un jury de pros du cinéma , bravo Mathilde .
Prix du public au festival « berceau du cinéma » à la Ciotat. Le top du top. Et l’aventure continue.
Crauser dit
Merci pour cet article incroyable !! Je suis l’heureuse maman d’une fille Emma 11 ans trisomique 21 et d’un garçon Joshua 9 ans !!!
barriere dit
Vraiment c et te article dit vrai surtout que se sont des être humain qui a droit d aimée, vraiment j e serai fière si j avais une petite amis comme elles. Et vraiment les gens qui ce crois normaux. Par ce qu’ ils sont normal, d après moi non car ils ou elles sont trisomique handicapée ce sont des personne qui sont deux fois plus intelligente et débrouillards