Ce mois-ci, le Forum pour Filles vous recommande Le Majordome, un film de Lee Daniels à ne pas rater. Dans les salles depuis une semaine, Le Majordome raconte la lutte pour les droits civiques à travers le parcours d’un témoin privilégié : Cecil Gaines, serviteur noir de la Maison Blanche. La ségrégation, l’assassinat de JFK et de Martin Luther King, les émeutes anti-raciales, la naissance des Black Panthers, les bus de la liberté, le Ku Klux Klan, la guerre du Vietnam, le scandale du Watergate : à travers son regard, c’est l’histoire des Etats-Unis qui défile à l’écran.
Réalisé par Lee Daniels, autrement connu pour Paperboy avec Zac Efron, Matthew McConaughey et Nicole Kidman, Le Majordome est inspiré d’une histoire vraie. Né en 1959, Lee Daniels a lui-même subi la ségrégation dans son enfance.
Lee Daniels a offert au film un casting de qualité. Forest Whitaker, avec grâce et retenue, interprète avec brio Cecil Gaines, le majordome témoin de son temps, et donne au film une touche d’humanité et de puissance morale. Oprah Winfrey, la star des shows américains, incarne son épouse, Gloria. Elle nous transmet, avec simplicité, tout l’amour, la tristesse et la colère d’une mère. Une Desperate Housewives des années 60. Mention spéciale aux deux acteurs, David Oyelowo et Elijah Kelley, qui jouent avec beaucoup de talent, les fils de Cecil : Louis et Charlie. Les présidents américains sont aussi interprétés par des acteurs reconnus pour leur talent : Robin Williams en Eisenhower, James Marsden en Kennedy, John Cusack en Nixon, et Alan Rickman en Reagan. On notera également la présence de Mariah Carey, Jane Fonda, Lenny Kravitz ou encore de Jesse Williams, rendu célèbre par son rôle de Jackson Avery dans la série Grey’s Anatomy.
« Les ténèbres ne peuvent chasser les ténèbres, seule la lumière le peut » Martin Luther King.
1926, Macon en Géorgie. Le film s’ouvre dans la moiteur des plantations de coton. Dès les premières minutes, le décor est planté : la mère du jeune Cecil Gaines est abusée par le propriétaire terrien qui tue froidement son père ensuite. Le téléspectateur est témoin de toute la violence du Sud ségrégationniste. Cecil est alors enjoint à devenir domestique de la maisonnée. Quelques années plus tard, il fuit le Sud. Sur son chemin, il rencontre un domestique qui lui donne la clé de la survie des Noirs au sein d’une société raciste : « Fais comme si tu n’es pas là. Reste à ta place. Il faut servir, ne rien voir, ne rien dire. Il faut leur faire croire que l’on n’est pas une menace. » Après avoir travaillé quelques temps à l’Excelsior à Washington DC, Cecil est recommandé pour devenir majordome à la Maison Blanche. Il est alors un témoin privilégié de son temps. En outre, la proximité du serviteur, qui devient parfois le confident d’un Président, nous montre les doutes et les faiblesses du pouvoir.
Inspiré d’une histoire vraie
Le Majordome n’est pas à proprement parler un biopic : tout est romancé. Néanmoins, le film s’inspire de l’histoire vraie d’Eugene Allen, afro-américain né en 1919 en Virginie. Subissant la ségrégation, ce dernier a déménagé à Washington DC pendant la Grande Dépression. Après avoir été serveur, il intégra en 1952 la Maison Blanche sous le mandat de Truman. De responsable du garde-manger, il gravit peu à peu les échelons. Le film s’est inspiré de la vie de ce témoin qui a assisté, dans l’ombre et avec discrétion, aux changements politiques majeurs de son pays. Certaines anecdotes sont véridiques : les époux Reagan ont réellement invité Eugene et sa femme à un dîner d’Etat, et Jackie Kennedy a vraiment offert l’une des cravates de JFK à Eugene Allen qui l’a fait encadrer. Eugene a été marié pendant 65 ans à sa femme Helene, décédée la veille de l’élection d’Obama.
Deux visions de l’émancipation
Le Majordome offre le parallèle entre deux destinées, deux visions de l’émancipation des Noirs américains. Il montre qu’il y avait différents moyens de lutter pour la reconnaissance des droits civiques, et que tous ont été importants.
D’un côté, Cecil, le paternel tranquille, le bon « Nigger », peu progressiste, obéissant à la loi. Ancien esclave des champs de coton qui s’élève socialement en devenant le serviteur des Blancs et qui, de par sa fonction, se dépolitise. De l’autre, son fils Louis, qui s’engage politiquement, manifeste à Little Rock, prend le bus de la liberté, fréquente Martin Luther King et Malcom X, passe son temps en prison.
Cecil est vu par son fils, Louis, comme un esclave consentant. Néanmoins, une séquence du film avec Martin Luther King ouvre des pistes de réflexion : le majordome est un être subversif qui participe à l’intégration des Noirs et peut faire changer les stéréotypes en renvoyant une image rassurante. Selon lui, les Blancs employant des domestiques noirs apprennent à leur faire confiance, à ne plus avoir peur. Après une longue prise de conscience, Cecil obtient une égalité salariale et promotionnelle pour les domestiques noirs à la Maison Blanche. Ils luttent chacun à leur façon, mais ne se comprennent pas.
Les leçons de l’Histoire
« Ce film permet de réfléchir à ce que la communauté noire a vécu, au cours des 50 dernières années, afin que des gens comme moi puissent obtenir le droit de vote » souligne Lee Daniels lors d’une interview. Le film a pour objectif de nous rappeler que les erreurs de l’histoire se répètent, que l’on combat des injustices à l’autre bout du monde, alors qu’elles sont présentes en bas de chez nous. Vers la fin du film, Cecil Gaines prononce ces mots lourds de sens : « Nous avons eu des camps de concentration ici-même en Amérique pendant 200 ans ». Enfin, Le Majordome nous montre le chemin parcouru d’une Amérique raciste jusqu’à l’élection d’un Président Noir. Et c’est tout naturellement que le film se termine par les mots de Barack Obama : « Yes We Can ».
Pourquoi on vous le conseille
– Le Majordome est un film qui touche au cœur, sans tomber dans le voyeurisme.
– Le Majordome raconte la vie d’une famille afro-américaine du point de vue des Noirs. Chose rare.
– A la manière d’un Forrest Gump afro-américain, Cecil Gaines, homme simple et discret traverse les grandes étapes de l’histoire américaine.
– Une BO très intéressante.
Julie DERACHE
laurie34 dit
Trés beau résumé Julie un beau rappel de la dureté du passé