Janvier 2014. Léa porte une petite robe fleurie des années 50 et une jolie capeline. Sa garde-robes est pleine de robes seventies et de vieux pulls torsadés tricotés par sa grand-mère. Chez elle, posé sur un vieux bureau d’écolier, se trouvent l’intégrale des saisons de « Mad Men », de « Downton Abbey », des adaptations BBC des œuvres de Jane Austen et tout plein de films d’époque. Récemment, elle s’est même passionnée pour la nouvelle série « The Americans » se déroulant dans les années 80. D’Elvis à Ella Fitzgerald, Léa aime écouter de vieux standards sur le tourne-disque de ses parents. Quand elle part en vacances, la jeune fille utilise un vieil appareil photo argentique qu’elle a trouvé aux puces.
Léa vit à Paris mais elle pourrait être lyonnaise, toulousaine ou montpelliéraine. La jeune fille appartient à la génération Y. Elle est née, en Occident, entre le début des années 80 et le début des années 2000. Elle maîtrise toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), elle est addict à son portable et à Twitter, et elle a grandi avec la télévision, regardant le Club Dorothée, les Minikeums ou encore Ca cartoon. Léa n’a pas connu un monde sans crise économique, récession, chômage, consommation de masse, pollution et terrorisme. Léa appartient à la génération Y et le vintage peuple sa vie.
Comme nous l’avons vu dans l’article « #Vintage | Redéfinition d’une tendance », le vintage, c’est la mode de l’ancien. La question que Capucine se pose aujourd’hui est: comment une telle tendance s’est-elle développée et installée sur la durée ? Bobo attitude ou effet de la crise économique ? Authenticité ou marketing ?
Tout est vintage
La nouvelle édition du flacon du célèbre M. Propre ? Vintage. La nouvelle collection de prêt-à-porter Monoprix ? Vintage. Les nouvelles tendances lingeries ? Vintage. Mode, design, décoration, musique, cinéma, publicité, télévision, séries TV, radio, presse écrite, automobile, webdesign, blogosphère, cuisine, le mot « vintage » fleurit partout. Publicitaires, designers, modeuses : tous n’ont plus que ce mot-là à la bouche ! Auparavant réservé à des cercles de passionnées et d’initiées, le vintage est à la mode comme jamais.
Côté mode, il n’y a pas un seul magazine féminin qui ne vante, chaque semaine, le dernier accessoire, designer ou magasin vintage. De même, il n’ait plus un seul tapis rouge (comme on l’a vu récemment avec la cérémonie des Golden Globes) sans une robe ou un look rétro. Certaines stars comme Scarlett Johannson, Dita Von Teese ou Milla Jovovich, par exemple, en ont fait une marque de fabrique !
Au-delà de notre garde-robe, tous les domaines surfent sur cette tendance. Dans le secteur automobile, par exemple, on peut citer la New Beatle, modernisation de la Coccinelle des années 30, les succès du Vespa, de la Fiat 500 ou encore de la Mini nouvelle génération.
On réédite, on réinterprète… Côté photographie, on imite les boîtiers argentiques d’antan avec des appareils photos dernier cri, on réédite le mythique Polaroïd, et on ne vante plus le charme faussement suranné d’Instagram. Avec des millions d’utilisateurs, Instagram est une petite application qui permet de prendre des photos avec son smartphone, de leur donner un look vieillot rappelant les clichés Polaroïd et de partager tout cela sur les réseaux sociaux.
La tendance vintage s’affiche même sur le petit et le grand écran. Pour le petit écran citons, par exemple, la série « Mad Men » qui raconte les tribulations d’un publicitaire dans le New York des années 60, ou encore « Magic City » et « Mildred Pierce ». Au cinéma, le film muet en noir et banc, « The Artist », est quelque peu devenu symbole de cette vague rétro. « Populaire » a également été un joli succès pour un film au charme suranné.
La musique n’a pas échappé à la mode vintage. Lana Del Rey en est même devenue une égérie. Des artistes françaises telles qu’Elodie Frégé, Nolwenn Leroy ou Sofia Essaidi adoptent volontiers un look vintage. Les reprises ou albums collectifs, tels que Forever Gentlemen ou le dernier album de Robbie Williams, fleurissent. Des groupes tels que The Overtones rencontrent du succès.
Nostalgie ou marketing ? Quelles sont les causes de ce phénomène qui semble être fait pour durer ?
Un contexte favorable & un besoin d’authenticité
« Tiens, tiens, les belles images, Les enfants du marécage, Le vrai goût des vrais fruits dans une vraie épicerie, Tiens, ça repart en arrière, Noir et Blanc sur posters »
« Du sépia plein les doigts », Vincent Delerm
L’un des premiers facteurs d’explication est l’effet crise. En effet, la vague vintage s’inscrit dans un début de siècle marqué par la crise économique, la remise en question de la consommation de masse, le rejet du capitalisme, et le développement de la croissance verte. Or, dans un contexte incertain, on a besoin de repères, d’un retour aux fondamentaux, aux valeurs sûres et fiables. Un « back to basics ». Le passé, systématiquement idéalisé et embelli, devient garant de ces valeurs. Le vintage nous parle du meilleur d’une époque, pas du pire. Contrairement au futur incertain, le passé apparaît comme rassurant.
Le vintage peu également nous rattacher à une période heureuse et prospère de notre vie, à des souvenirs d’enfance, des odeurs, des sensations. Comme Léa, nous pouvons nous émouvoir sur des petits objets du quotidien qui nous ont marqué, qui évoquent des moments familiaux. C’est une façon de faire revivre le passé, les souvenirs. Ce sont des anecdotes que l’on se transmet, une histoire que l’on revit ensemble. Dans vintage, il y a une notion de patrimoine et de transmission. Chacune de nous aime retrouver sa madeleine de Proust sous la forme d’objets qui nous ont accompagnés.
De plus, contre l’ère du tout-jetable et de la consommation Kleenex, nous sommes en quête de durable. Le vintage fait alors office de gardien d’une authenticité face au consumérisme ambiant. Le vintage, c’est la qualité d’un produit face au « made in China ». Le vintage, c’est le refus de la consommation de masse et le besoin d’authenticité. En effet, l’atout du vintage, c’est sa garantie de durée, de solidité, d’unicité, en comparaison de produits fabriqués à la chaîne qui ont une durée de vie limitée. Le vintage, c’est l’inusable. Par exemple, les jeunes femmes qui achètent des vêtements vintage savent qu’elles vont pouvoir le porter longtemps. Elles recherchent la qualité, le savoir-faire, l’indémodable. Dans une pièce vintage, que ce soit dans la mode ou le design, il y a la notion de trésor : on trouve une pièce vintage, on en tombe amoureuse et on en prend soin.
Pour d’autres, le vintage est synonyme de quête d’identité dans un monde mondialisé et uniformisé. C’est la volonté de porter des pièces uniques et authentiques, pour avoir son look propre. Etre tendance, aujourd’hui, c’est ressembler aux autres, en se démarquant par une touche d’originalité, une pièce unique. C’est l’une des raisons du succès du vintage : les accessoires vintage sont plus rares, difficiles à se procurer et confèrent ainsi la distinction à celle qui le porte. Pour les passionnées, le vintage c’est la féminité, l’élégance, l’anti-vulgarité d’une certaine mode bling-bling. Le vintage, c’est cacher pour mieux suggérer. Pour d’autres, le vintage est synonyme d’un certain anticonformisme.
Puis, il y a celles qui ne voient dans le vintage qu’une mode de plus, une prétendue originalité, un mauvais goût, un snobisme et un manque total de création et d’inventivité.
Réservé jusque-là à quelques initiées, le vintage a percé avec la crise et la volonté de s’offrir davantage de qualité/durabilité pour un budget restreint. Mais lorsque l’on observe les prix affichés pour des objets vintage, souvent plus élevés, l’on pourrait se dire que ce n’est qu’un nouveau marketing.
Le « rétro marketing »
Le vintage est devenu un argument de communication, un moyen de se donner une jolie image d’authenticité. L’idée étant de séduire une consommatrice déçue par le consumérisme. Et, les consommatrices que nous sommes sont, en effet, sensibles au gage de savoir-faire et de qualité d’un produit vintage. Il nous donne ainsi l’illusion de sortir du placard de nos grands-mères. Fini le bling bling, c’est la tradition qui est mise en avant. On nous rassure avec du made in France, en nous faisant croire que rien n’a changé… ou presque !
Ainsi, très rapidement, les grandes marques se sont emparées du filon vintage, en développant une stratégie de « rétro marketing » efficace. Les techniques marketing employées sont diverses : renaissance d’une marque disparue ou refonte d’un packaging en mode vintage, par exemple. Ce dernier a envahi les rayons des supermarchés. Et, bien souvent, le succès est immédiat : le doux parfum de nostalgie dégagé par de jolis emballages fonctionne. Les grandes marques investissent également beaucoup dans la publicité. Les affiches publicitaires reprennent régulièrement les codes du passé. D’anciennes publicités sont détournées avec des produits actuels. Certaines marques ressortent d’anciens spots publicitaires. Exemple avec Coca Cola qui a ressuscité son vieil ours blanc qui, apparu pour la première fois en 1922, avait disparu de nos écrans depuis quelques années. D’autres mettent en scène de fausses publicités vintage. Certaines utilisent encore des personnalités dans des publicités telles que Marilyn Monroe ou Fernandel. Il s’agit alors de jouer sur le charme de l’ancien.
Notons que l’estampillage « vintage » a un prix. En effet, les produits « vintage » sont souvent plus chers que les autres car les enseignes y voient l’opportunité de glaner quelques euros de plus. Un doux paradoxe lorsque l’on sait que la tendance vintage est née d’une volonté d’aller contre la société de consommation.
A suivre #Vintage | Mon mariage sera vintage !
Julie DERACHE
nanny dit
J’adore les images facebook vintage…..Super vintage